D'une série d'observations effectuée fin 2016 avec le télescope contrôlable à distance de l'observatoire Sirene — nommé Pollux — j'avais identifié une grosse dizaine de nouvelles étoiles variables potentielles. Les données étant insuffisantes, j'ai réalisé de nouvelles séries d'observations en 2017 afin de les compléter. Depuis, le manque de temps et de motivation pour décortiquer les données m'ont confortablement poussé à les oublier dans leur coin. À l'occasion de mon séjour à l'observatoire l'été dernier, j'ai pris mon courage à deux mains pour entreprendre l'analyse des images.

Évidemment, entre temps et au gré de découvertes successives, le nombre des candidates s'est réduit de moitié. Un peu décourageant ; mais vus le temps et l'énergie déjà investis, autant aller jusqu'au bout.

Finalement, ce sont donc six nouvelles étoiles variables que j'inscris à mon palmarès Petite satisfaction personnelle, en plus de la tripotée d'étoiles variables de type EW déjà dans la poche (voir ici et ici), une deuxième étoile variable de type EA vient tenir compagnie à la seule que j'avais découverte jusqu'alors. Surtout, je complète mon herbier de binaires à éclipses avec une étoile variable de type EB. Avec les EA et les EW, il s'agit de la troisième catégorie de cette famille, qui m'avait jusqu'à présent échappée. La différence avec les EW paraît assez subtile ; je l'avais d'ailleurs personnellement classée comme telle. Ce sont les administrateurs de la base VSX de l'AAVSO qui m'ont poussé à l'en changer.

Une nouvelle étoile variable de type EA

Petite explication. Les binaires à éclipses sont constituées de deux étoiles en orbite l'une autour de l'autre et dont le plan de rotation passe par le système solaire. Nous observons donc le couple approximativement de profil, de la même manière qu'on observe une galaxie par la tranche. Ainsi, les deux étoiles vont successivement venir passer devant puis derrière leur partenaire de danse ; en masquer l'éclat, puis se cacher. La luminosité du couple vu dans son ensemble va donc varier. Avec un minimum de luminosité principal lorsque l'étoile la plus brillante est masquée, et un minimum secondaire lorsque c'est l'autre. Entre ces deux évènements, lorsque les deux étoiles sont visibles, on observe un maximum de luminosité plutôt constant formant un plateau. Il s'agit du profil standard des étoiles variables de la famille des algolides, de type EA. Un exemple représentatif est présenté ci-dessous ; il s'agit de l'unique étoile variable de type EA de cette nouvelle série de découvertes.

Quatre nouvelles étoiles variables de type EW

Lorsque les deux étoiles sont proches l'une de l'autre, très proches, tellement proches qu'elles sont en contact et échangent de la matière, le profil de luminosité change drastiquement. Il n'y a plus de plateau, les courbes sont très arrondies, et les deux minimums de luminosité sont très comparables, voire indiscernables. Il s'agit d'une étoile variable de type EW, comme quatre de cette nouvelle fournée, présentées ci-dessous.

Une nouvelle étoile variable de type EB

Enfin, entre les deux, lorsque les étoiles sont suffisamment proches pour qu'aucun plateau de luminosité ne soit discernable mais que les deux minimums de luminosité soient très dissemblables, on parle d'étoiles variables de type EB. Autant la frontière entre les EA et les EB est assez claire — il ne doit pas y avoir de plateau dans le cas d'une EB — la limite entre les EB et les EW l'est beaucoup moins. Voici ce qu'en dit mon interlocuteur, lorsque je lui demande si c'est la différence de profondeur des deux minimums qui le pousse à changer mon étoile de catégorie :

Yes, and also minima are not so sharp and the period is a little bit longer than typical for EWs. Even then, the difference is rather arbitrary, they are both contact systems and the light curve distinction is somewhat ambiguous.

Bref, rien de bien tranché. Néanmoins, pour lui, le profil n'est pas celui d'une EW. Donc va pour une étoile variable de type EB, laquelle est présentée ci-dessous.

Données systématiques utilisées

Il est à noter que, cette fois-ci, ce ne sont pas les données CRTS ni APASS qui ont servies à compléter mes courbes mais celles de WASP (Wide Angle Search for Planets) et ASAS-SN (All-Sky Automated Survey for Supernovae). Il s'agit de deux programmes d'observation automatique du ciel, l'un en quête de nouvelles exoplanètes et l'autre de supernovas. Leur instrumentation, installée sur les deux hémisphères, est constituée d'une batterie de téléobjectifs photo de 200 mm de focale pour le premier, et de 400 mm de focale pour le second. Les données sont nombreuses et couvrent une bonne partie du ciel. Les données WASP, en très grande quantité, m'ont servi à déterminer la période orbitale. En revanche, elles ne sont pas très précises et apparaissent très dispersées. Les données ASAS-SN, plus précises et mieux calibrées en magnitude, servent donc de référence.

Petit changement de politique

Pour terminer cet article, je voudrais évoquer un changement de politique concernant le traitement des soumissions de nouvelles étoiles variables découvertes par les amateurs auprès de VSX.

Les administrateurs n'ont plus le temps d'accompagner et d'aider les nouveaux venus à analyser leurs données. Désormais, si les soumissions ne répondent pas à un certain degré de qualité, elles pourraient donc être ignorées. Ainsi, toute personne ayant détecté une nouvelle étoile variable est vivement encouragée à en déterminer les caractéristiques le plus précisément possible, à recouper ses données avec celles de programmes de surveillance automatique, et à remplir le formulaire de soumission dans les règles de l'art. Pour ce faire, ils encouragent fortement les nouveaux venus à publier préalablement leurs résultats sur les forums de VSX afin de demander conseil aux plus expérimentés, dans le but de soumettre le meilleur enregistrement possible aux administrateurs de la base et leur alléger ainsi la charge de travail.

VSX propose une documentation en ligne plutôt complète relative aux critères de qualité attendus. Une documentation à lire et relire consciencieusement... en anglais, bien évidemment